
Tout savoir sur la réforme de la protection sociale complémentaire
Découvrez la vidéo de Cyrille Boulet, consultant Assurance MARGO qui vous explique les points clés de cette réforme :
Il importe en premier lieu de bien comprendre pourquoi il était nécessaire de mener cette réforme. Concrètement, de quoi s’agit-il ? La réforme de la PSC, actée par l’ordonnance 2021-175 du 17 février 2021, doit garantir une prise en charge, au moins partielle, des dépenses de protection sociale complémentaire des agents de la fonction publique par leur employeur.
Objectif : Combler l’écart conséquent qui s’est installé entre le domaine public et le secteur privé en ce qui concerne la prise en charge du coût de la protection sociale complémentaire.
Site du Ministère de la Fonction Publique
La situation de la protection sociale complémentaire en France avant la réforme
Avant d’entrer dans les détails de la réforme, il est important de présenter le contexte dans lequel elle est advenue.
Histoire de la protection sociale en France
Elle est le fruit de plusieurs travaux qui ont donné naissance à la loi du 22 mai 1946. En ce sens, la PSC s’inscrit dans ce mouvement d’après-guerre en plaçant la sécurité sociale au cœur de la protection sociale française et en la généralisant à l’ensemble de la population.
Comment ça marche ? La protection sociale est établie sur le travail des salariés et le versement de cotisations assises sur leurs salaires. Néanmoins, plusieurs régimes à caractère spécifique subsistent, à l’image de celui de la fonction publique.
Afin de contribuer à la qualité de vie et santé des individus, la protection sociale complémentaire enrichit alors la prise en charge du régime obligatoire d’assurance maladie.
Les origines de la réforme de la protection sociale complémentaire
Malgré l’importance du rôle de la PSC dans la protection des individus face aux risques de santé, une dichotomie entre secteur privé et public persiste :
- Dans le secteur privé : l’Accord National Interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013 prévoit la généralisation de la couverture complémentaire d’entreprise à l’ensemble des salariés du privé ; l’employeur doit cofinancer à hauteur de 50 % un contrat collectif basé sur un panier minimal de soins. La loi du 14 juin 2013 confirme les grands principes de cet accord et instaure une complémentaire santé collective obligatoire.
- En comparaison, jusqu’à la réforme de la PSC, les employeurs publics n’ont pas d’obligation de participer financièrement à la protection sociale complémentaire de leurs salariés.
Résultat, en l’absence d’obligation clairement établie, la réponse des employeurs publics est très hétérogène en ce qui concerne le besoin en protection sociale complémentaire de leurs agents.
Une différence particulièrement marquée entre les trois grandes catégories de fonctions publiques :
- La fonction publique d’État
- La fonction publique territoriale
- La fonction publique hospitalière
Que dit la loi ?
Les lois des 2 et 17 février 2007 relatives à la modernisation de la fonction publique d’État, et à la fonction publique territoriale avaient néanmoins amélioré la situation pour les agents concernés en offrant un cadre légal à une protection sociale complémentaire collective.
Toutefois, à ce stade, celle-ci demeure limitée. En effet, l’adhésion de ces fonctionnaires aux dispositifs de protection sociale complémentaire collective, tout comme la participation de l’employeur restent facultatives.
En parallèle, les agents de la fonction publique hospitalière sont de fait exclus du champ d’application de ces lois.
L’impact de la crise sanitaire
En 2020, la crise du COVID-19 a mis en lumière les difficultés des métiers de l’hôpital public et du médico-social, en première ligne pour garantir la qualité et la continuité des soins dans un contexte exceptionnel.
Si l’engagement sans faille du personnel a été salué par tous, la situation a soulevé des questions, notamment celles de l’accès aux soins, de l’amélioration de la qualité de vie au travail, et de la revalorisation et de l’attractivité des carrières hospitalières.
C’est pourquoi la mise en place d’un cadre ambitieux assurant une protection sociale complémentaire complète, solidaire et de qualité, et couplant santé et prévoyance s’est imposée comme une nécessité.
Les grands principes de la réforme
Cette réforme de la PSC émane de la loi de transformation de la Fonction publique de 2019, précisée par l’ordonnance publiée le 17 février 2021. Elle a pour objectif de renforcer l’accès des personnels à une couverture complémentaire.
Que dit la réforme ?
Que les employeurs de la fonction publique d’État, territoriale et hospitalière devront désormais participer au financement de la complémentaire santé de leurs agents, d’ici 2026 au plus tard, mais selon des modalités qui leur sont propres.
Depuis 2023
Mais la vie d’une réforme de cette ampleur n’est pas un long fleuve tranquille et l’actualité nous apporte régulièrement son lot d’ajustements. Les derniers en date concernent principalement le calendrier et le contenu.
Ainsi, le 15 mai 2023, lors du premier comité de suivi de l’accord interministériel de janvier 2022 sur la protection sociale complémentaire en santé des agents de l’État, la Direction Générale de l'Administration et de la Fonction Publique (DGAFP) a annoncé que l’entrée en vigueur des contrats en santé se fera à partir du 1er janvier 2025 et non du 1er janvier 2024 comme prévu par l’accord interministériel et l’ordonnance du 17 février 2021.
Pourquoi ? Pour laisser plus de temps aux ministères dont les négociations ont pris du retard. Tous basculeront en janvier 2025 à l’exception du ministère de la Transition écologique qui pourrait conserver la date de 2026. L’échéance de 2029 est également maintenue pour la Caisse des Dépôts et Consignations.
Seuls trois accords de méthode ont été signés, à l’Armée et à la Culture ainsi que dans les services de l’ex-Première Ministre Élisabeth Borne. Dans six autres ministères, les négociations sont toujours en cours.
Par ailleurs, la circulaire du 29 juillet 2023 invite à ne pas inscrire le panier de soins interministériel dans leurs discussions (sauf spécificités), limitant celles-ci à des garanties optionnelles dans le cadre d’une adhésion individuelle et facultative. Ces options s’ajoutent au socle interministériel mais restent facultatives et ne bénéficient pas de l’avantage fiscal et social du panier interministériel. De même, l’employeur participera à son financement pour la moitié, dans une limite de 5 €. Le texte précise également les mécanismes de solidarité : les retraités bénéficieront d’un plafonnement de la cotisation à partir de l’âge de 75 ans.
Sur le volet prévoyance, les discussions sont toujours à l’arrêt. Certains partenaires sociaux considèrent la santé et la prévoyance comme les deux faces d’une protection sociale complémentaire de qualité. Ils maintiennent la revendication d’une complémentaire prévoyance adossée à la complémentaire santé.
La fonction publique territoriale
La fonction publique territoriale représente 1,94 million d’agents, soit 34% de la fonction publique.
Le décret du 20 avril 2022 fixe les obligations des employeurs publics territoriaux. Les collectivités ont l’obligation de participer au financement d’une complémentaire santé en proposant un contrat collectif ou en prenant en charge une partie de la cotisation du contrat individuel souscrit par l’agent.
À la différence de l’État, l’obligation s’étend aussi à la prévoyance.
Le financement se compose ainsi :
- Pour le risque santé : participation minimale de 50 % d’un montant de référence fixé à 30 € (soit 15 €).
- Pour le risque prévoyance : participation minimale de 20 % d’un montant de référence fixé à 35 € (soit 7 €).
L’accord collectif national du 11 juillet 2023 prévoit une participation de l’employeur à hauteur de 50 % des garanties minimales en prévoyance.
La fonction publique hospitalière
Elle représente 1,18 million d’agents, soit 22% de la fonction publique.
Les modalités ne sont pas encore complètement fixées. À partir du 1er janvier 2026, l’établissement aura l’obligation de souscrire une complémentaire santé collective prise en charge à 50 % d’un montant de référence de 30 €.
Les cotisations aux contrats de prévoyance devront aussi être partiellement prises en charge.
Un accord collectif pourra également prévoir la souscription d’un contrat collectif couvrant tout ou partie des risques (maladie, maternité, incapacité, décès, etc.).
Taille et acteurs du marché
Le marché concerne potentiellement 5,61 millions d'agents.
Fonction publique d’État
Les acteurs sont répartis par ministère : AG2R la mondiale, CNP, Groupama, Harmonie Fonction Publique, Intériale, MGEN...
Fonction publique territoriale
Plus d’une centaine d’acteurs labellisés, dont : AESIO Mutuelle, AG2R Prévoyance, Axa France, CNP, EOVI MCD Mutuelle, Harmonie, Groupama, Mutuelle Générale, MGEN...
Fonction publique hospitalière
Le marché reste très ouvert, faute de contrainte historique.
Quelles sont les différences notables entre les régimes de protection sociale complémentaire privé et public ?
À l’avantage du public :
- Maintien des avantages et prise en charge partielle après départ en retraite
- Socles minimaux incluant des prestations de prévention
Au désavantage :
- Remboursement basé sur un montant de référence plutôt qu’un pourcentage réel
Les opportunités pour les acteurs de l’assurance santé
La réforme ouvre des perspectives exceptionnelles : environ 1,9 million d’agents territoriaux sont concernés.
Elle réduit aussi l’antisélection en rendant l’adhésion obligatoire, favorisant la mutualisation et des prix plus stables.
Cependant, un agent déjà couvert peut demander à être dispensé d’affiliation.
Les impacts de la réforme
Elle va transformer de nombreux aspects :
Le réseau de distribution
Les distributeurs devront répondre à des appels d’offres plutôt que vendre individuellement. Le label est obligatoire côté territorial, favorisant les acteurs locaux.
Le système d’information
Le SI devra passer d’une gestion individuelle à des contrats collectifs chapeaux. Des millions de fiches clients devront être créées. Les employeurs devront adapter leurs systèmes RH et paie.
Les produits d’assurance
Les contrats devront prévoir un standard minimal et des options ou surcomplémentaires.
La gestion
À terme, l’affiliation obligatoire devrait réduire les frais de gestion unitaires. Mais à court terme, la mise en conformité va demander un énorme travail de saisie et de migration.
Dernières actualités
L’annulation du premier appel d’offres en santé des services du Premier ministre a révélé une bataille juridique sur la procédure MAPA.
Le calendrier est donc à risque.
Le 25 mars, l’Argus de l’assurance annonce le report pour 2 ministères (Économie et Finances au 1er juin 2025, Éducation au 1er janvier 2026).
Le 28 mars, les agents territoriaux pourront adhérer à une couverture prévoyance dès le 1er janvier, de manière facultative.
En conclusion :
- Cette réforme entraînera des transformations complexes.
- Sa mise en œuvre est pleine de rebondissements.
- Il est crucial de bien en comprendre les tenants et aboutissants pour anticiper.